. Maria Chapdelaine : récit du Canada français. autres dormaient encore ; seul, Chienavait quitté sa place près du poêle en la voyant remueret était venu saccroupir près du lit, solennel, la têteposée sur les couvertures. Les regards de Maria se pro-menaient sur le long museau blanc appuyé sur lalaine brune, sur les yeux humides où se lisait la sim-plicité pathétique des animaux, sur les oreilles tombantesau poil lisse, pendant que ses lèvres murmuraient sansfin les paroles sacrées : « je vous salue, Marie, pleinede grâ » Bientôt TitBé sauta à bas de son lit pour mettredu bois dans le poê


. Maria Chapdelaine : récit du Canada français. autres dormaient encore ; seul, Chienavait quitté sa place près du poêle en la voyant remueret était venu saccroupir près du lit, solennel, la têteposée sur les couvertures. Les regards de Maria se pro-menaient sur le long museau blanc appuyé sur lalaine brune, sur les yeux humides où se lisait la sim-plicité pathétique des animaux, sur les oreilles tombantesau poil lisse, pendant que ses lèvres murmuraient sansfin les paroles sacrées : « je vous salue, Marie, pleinede grâ » Bientôt TitBé sauta à bas de son lit pour mettredu bois dans le poêle ; par une sorte de pudeur Mariase détourna et cacha son chapelet sous les couverturestout en continuant à prier. Le poêle ronfla ; Chienretourna à sa place ordinaire, et pendant une demi-heure encore tout fut immobile dans la maison, saufles doigts de Maria, qui comptaient les grains de buis,et sa bouche qui priait avec lassiduité dune ouvrièreà sa tâche. Puis il fallut se lever, car le jour venait, préparer 114. le gruau et les crêpes pendant que les hommes allaientà Tétable soigner les animaux, les servir, quand ilsrevinrent, laver la vaisselle, nettoyer la maison. Touten vaquant à ces besognes Maria ne cessa pas déleverà chaque instant un peu plus haut vers le ciel le monu-ment de ses Ave ; mais elle ne pouvait plus se servirde son chapelet, et il lui était difficile de compter avecexactitude. Quand la matinée fut plus avancée pourtantelle put s asseoir près de la fenêtre, car nul ouvrageurgent ne pressait, et poursuivre sa tâche avec plus deméthode. Midi : trois cents Ave déjà. Ses inquiétudes sedissipèrent, car elle se sentait presque sûre maintenantdachever a temps. Il lui vint a lesprit que le jeûneserait un titre de plus à lindulgence divine et pourraitraisonnablement transformer son espoir en certitude :elle mangea donc peu, se privant des choses quelleamait le plus. Pendant laprès-midi elle dut travailler au maill


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