Théophile Gautier . h allaient se coucher, etFlaubert ayant allumé une de ces petites pipes de terrerouge quil affectionnait, tirait son manuscrit et commen-çait la lecture. Judith, qui était partie à contre-cœur, ne pouvait pasdormir, le bruit du giienloir de Flaubert arrivant jusquàsa chambre; et lenfant quattirait déjà la magie desbelles phrases, se levait avec mille précautions, et parune fente de la porte, elle pouvait voir lermite de Crois-set en train de lire, adossé contre la cheminée et faisantde grands gestes, et elle demeurait là, en chemise etravie, voyant, à mesure que Flaubert li
Théophile Gautier . h allaient se coucher, etFlaubert ayant allumé une de ces petites pipes de terrerouge quil affectionnait, tirait son manuscrit et commen-çait la lecture. Judith, qui était partie à contre-cœur, ne pouvait pasdormir, le bruit du giienloir de Flaubert arrivant jusquàsa chambre; et lenfant quattirait déjà la magie desbelles phrases, se levait avec mille précautions, et parune fente de la porte, elle pouvait voir lermite de Crois-set en train de lire, adossé contre la cheminée et faisantde grands gestes, et elle demeurait là, en chemise etravie, voyant, à mesure que Flaubert lisait, défiler lareine de Saba avec ses négresses qui élevaient des évan-tails de plumes dautruche, ses bijoux, ses négrillons etson singe, ou bien encore tous les dieux antiques avec L OEUVRE 93 les Immortelles couronnées de roses, et Zeus tonnant aupetit Crépitas qui se lamentait derrière un On recevait aussi dautres visites. Gautier était à présent une célébrité, (hateaubriand. La Maison de Théophile Gautier à Neuilly.(Communiqué par les Annales politiques <:t littéraires. était mort en 1848; Victor Hugo, exilé depuis 1851, vivaitsur son rocher au milieu de locéan; Lamartine, vieux etpauvre, sétait retiré, après le coup dÉtat, de la vie publi-que, et était pareil à un roi dépossédé; Musset traînaitune longue agonie; Gautier demeurait pour ainsi dire 94 THÉOPHILE GAUTIER seul de tous les grands chefs du romantisme, dans laforce de lâge et du talent. Dix-neuf ans de critique à la Presse dEmile de Girardinlui avaient acquis une immense autorité, et cétait à sontour — comme il le disait autrefois de Hugo — « derencontrer journellement sur son passage de petitspoètes en pâmoison, des rapins rouges comme des coqsou pâles comme des morts, et même des hommes faits,interdits ou balbutiants ». Pour tous, il était le « bon Théo », et lui qui ne demandajamais rien pour lui-même, forgeait chaque jour uneréput
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