Maria Chapdelaine : récit du Canada français . ne mort insensible etdouce, au contraire, toute pareille à un assou-pissement; mais elle narrive pas à le croire,et les souffrances que François a peut-être en-durées avant de sabandonner sur le sol blancdéfilent dans sa pensée à elle comme une pro-cession sinistre. Point nest besoin de voir le lieu; elle con-naît assez bien laspect redoutable des grandsbois en hiver, la neige amoncelée jusquauxpremières branches des sapins, les buissonsdaunes enterrés presque en entier, les bou-leaux et les trembles dépouillés comme dessquelettes et tremblant sou
Maria Chapdelaine : récit du Canada français . ne mort insensible etdouce, au contraire, toute pareille à un assou-pissement; mais elle narrive pas à le croire,et les souffrances que François a peut-être en-durées avant de sabandonner sur le sol blancdéfilent dans sa pensée à elle comme une pro-cession sinistre. Point nest besoin de voir le lieu; elle con-naît assez bien laspect redoutable des grandsbois en hiver, la neige amoncelée jusquauxpremières branches des sapins, les buissonsdaunes enterrés presque en entier, les bou-leaux et les trembles dépouillés comme dessquelettes et tremblant sous le vent glacé, leciel pâle se révélant à travers le fouillis desaiguilles vert sombre. François Paradis senest allé à travers les troncs serrés, les membresraides de froid, la peau râpée par le norouâimpitoyable, déjà mordu par la faim, trébu-chant de fatigue; ses pieds las nont plus la MARIA CHAPDELAINE 143 force de se lever assez haut et souvent sesraquettes accrochent la neige et le font tombe?sur les Les mille Ave sont dits, songea Maria, mais je nai pas encoredémandé de pas avec des mots. (pagre 127). Sans doute dès que la tempête a cessé il areconnu son erreur, vu quil marchait vers lejiprd désert, et de suite il a repris le bon che- 144 MARIA CHAPDELAINE min, en garçon dexpérience qui a toujours eule bois pour patrie. Mais ses provisions sontpresque épuisées, le froid cruel le torture en-core; il baisse la tête, serre les dents et se batavec lhiver meurtrier, faisant appel aux res-sources de sa force et de son grand courage. Ilsonge à la route à suivre et à la distance, calculeses chances de survivre, et par éclairs penseaussi à la maison bien close et chaude où tousseront contents de le revoir; à Maria qui saurace quil a risqué pour elle et lèvera enfin sur luises yeux honnêtes pleins damour. Peut-être est-il tombé pour la dernière foistout près du salut, à quelques arpents seule-ment dune mai
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