Benjamin Rozes : nouvelle naturalistes . acé par linfatigable dévouement de safemme, Benjamin se dirigea vers sa propriétédu bord de lOise. Ainsi que les jours précé-dents, le temps était superbe, mais le bon-homme ne se ressemblait plus. Le long de sesjambes, son beau pantalon gris-perle avait lairvieillot, et sa redingote tombait en cascadesinaccoutumées. Il marchait, la bouche mau-vaise, inquiet des rencontres à venir. Destouffes dherbes, au pied des murailles, res-semblaient à de la verdure de cimetière. Riennintéressait Benjamin Rozes. Il fila devant léglise, atteignit une ruelle enpente,


Benjamin Rozes : nouvelle naturalistes . acé par linfatigable dévouement de safemme, Benjamin se dirigea vers sa propriétédu bord de lOise. Ainsi que les jours précé-dents, le temps était superbe, mais le bon-homme ne se ressemblait plus. Le long de sesjambes, son beau pantalon gris-perle avait lairvieillot, et sa redingote tombait en cascadesinaccoutumées. Il marchait, la bouche mau-vaise, inquiet des rencontres à venir. Destouffes dherbes, au pied des murailles, res-semblaient à de la verdure de cimetière. Riennintéressait Benjamin Rozes. Il fila devant léglise, atteignit une ruelle enpente, descendit vers la vallée où, dans uneprofondeur, un bras de rivière bouillonnait ausoleil sous les tournoiements répétés duneroue mue par la vapeur. Il côtoya une rangée BENJAMIN ROZES 69 de tanneries; des peaux séchaient pendues àdes crocs jaunes de rouille. Sur un talushérissé de buissons et de ciguës étalées commedes parasols, une volée de moineaux le regardapasser. Le toit de sa maisonnette lui apparut;. l. ??^^?t jii||ijVrj;lpl I il sallongeait dun bleu sombre entre des troncsde peupliers dont la cime papillotait. Lesfeuillages étaient pleins de ciel. Benjamin ou-vrit la barrière qui séparait son immeuble duchemin. Un grand soupir le soulagea : il s BENJAMIN ROZES navait rencontré personne. La solitude dulieu 1 écrasant, ses yeux shumectèrent. 11 sap-procha de leau, se laissa tomber sur unechaise, sa chaise ! installée contre un tamaris,et longtemps il demeura plongé dans une con-templation morose, lesprit bercé par le mur-mure de vie qui sexhalait du paysage. Unelame de soleil descendit sur son épaule ; lapesanteur de ses jambes laccablait. Alors,clairement, au milieu de sa somnolence lucide,il vit le gravier de la rivière au-dessus duqueldes flottes de petits poissons remontaient lecourant, se piquaient détincelles. — Suis-je assez malheureux ! pensa Benja-min. En face de lui, une branche cassée ridait lasurface de lOise. A sa


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