Maria Chapdelaine : récit du Canada français . sa vue lui poignait le cœur. Maria souriait, un peu gênée, et puis aprèsun temps elle releva bravement les yeux et semit à le regarder aussi. Un beau garçon, assurément: beau de corpsà cause de sa force visible, et beau de visageà cause de ses traits nets et de ses yeux témé-raires . . Elle se dit avec un peu de surprisequelle lavait cru différent, plus osé, parlantbeaucoup et avec assurance, au lieu quil neparlait guère, à vrai dire, et montrait en toutune grande simplicité. Cétait lexpression desa figure qui créait cette impression sans doute,et


Maria Chapdelaine : récit du Canada français . sa vue lui poignait le cœur. Maria souriait, un peu gênée, et puis aprèsun temps elle releva bravement les yeux et semit à le regarder aussi. Un beau garçon, assurément: beau de corpsà cause de sa force visible, et beau de visageà cause de ses traits nets et de ses yeux témé-raires . . Elle se dit avec un peu de surprisequelle lavait cru différent, plus osé, parlantbeaucoup et avec assurance, au lieu quil neparlait guère, à vrai dire, et montrait en toutune grande simplicité. Cétait lexpression desa figure qui créait cette impression sans doute,et son air de hardiesse ingénue. La mère Chapdelaine reprit ses questions. —Alors tu as vendu la terre quand ton pèreest mort, François ? MARIA CHAPDELAINE 43 —Oui. Jai tout vendu. Je nai jamais étébien bon de la terre, vous savez. Travaillerdans les chantiers, faire la chasse, gagner unpeu dargent de temps en temps à servir deguide ou à commercer avec les sauvages, ça,cest mon plaisir, mais gratter toujours le. Charles-Eugène, grand nialavenant ! (page IS). même morceau de terre, dannée en année, etrester là, je naurais jamais pu faire ça toutmon règne: il maurait semblé être attachécomme un animal à un pieu. —Cest vrai, il y a des hommes comme , par exemple, et toi, et encore biendautres. On dirait que le bois connaît des ma-gies pour vous faire venir. . 44 MAEIA CIIAPDELAINE Elle secouait la tête en le regardant avec unecuriosité étonnée. —Vous faire geler les membres lhiver, vousfaire manger par les mouches lété, vivre dansune tente sur la neige ou dans un camp pleinde trous par où le vent passe, vous aimez mieuxcela que faire tout votre règne tranquillementsur une belle terre, là où il y a des magasinset des maisons. Voyons, un beau morceau deterrain planche, dans une vieille paroisse, duterrain sans une souche ni un creux, une bonnemaison chaude toute tapissée en dedans, desanimaux gras dans le clos ou


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