Gazette des beaux-arts . lle ne saurait ni posséder ni comprendre, la pensée. Mais le paysage, déjà marqué à lempreinte dun caractère person-nel, est-il susceptible dêtre agrandi par le style? Deux grands pein-tres français lont affirmé dune manière éclatante : Nicolas Poussin etClaude Lorrain. Lun et lautre, sans sortir de la vérité, nous transpor-tent dans les contrées que leur imagination a embellies, et, avec des élé-ments réels, ils composent un ensemble idéal. Leurs arbres choisis pré-sentent des formes heureuses, dont la silhouette remplit lespace, mais nele déchire point ; leurs lignes


Gazette des beaux-arts . lle ne saurait ni posséder ni comprendre, la pensée. Mais le paysage, déjà marqué à lempreinte dun caractère person-nel, est-il susceptible dêtre agrandi par le style? Deux grands pein-tres français lont affirmé dune manière éclatante : Nicolas Poussin etClaude Lorrain. Lun et lautre, sans sortir de la vérité, nous transpor-tent dans les contrées que leur imagination a embellies, et, avec des élé-ments réels, ils composent un ensemble idéal. Leurs arbres choisis pré-sentent des formes heureuses, dont la silhouette remplit lespace, mais nele déchire point ; leurs lignes, accidentées sans bizarrerie et contrastéessans violence, conservent dans leur opposition même une ampleursolennelle et un calme plein de majesté. Les fabriques, cest-à-dire lesconstructions dont leur paysage est orné, rappellent les peuples et lestemps antiques. Celles de -Poussin marquent la Sicile, la Grèce, lEgypte,de sorte quon nest pas surpris de voir, au bord des eaux qui les baignent,. 236 GAZETTE DES BEAUX-ARTS. Galatée poursuivie, Diogène jetant son écuelle, ou Moïse sauvé par la fillede Pharaon. Les fabriques de Claude se rapportent quelquefois à lâgedor, à ces temps fabuleux où la vie était une longue respiration du bon-heur, où la terre de Saturne était habitée par des faunes et des nymphes,où les cavaliers étaient des centaures. Par une transmigration sublime deson âme, Claude se souvient davoir vécu jadis parmi les bergers de Théo-crite, davoir entendu la flûte , et sur sa toile baignée de lumièreil creuse des distances infinies qui ne sont pas seulement lés profondeursde létendue, mais les perspectives de lâme. Tantôt il représente untemple en ruine sous les ombrages dun bois sacré qui fuit à perte devue, tantôt il peint, avec une vérité qui étonne, un golfe imaginaire oùdes navires, construits dans les chantiers de lidéal, partent pour de loin-tains voyages sur des mers que jamais la tempête


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