La Lecture . Il ne remuait pas les doigts, connaissant ses amies,averti par son flair affmé quil ne fallait oser jamais que cequelles osaient elles-mêmes, surtout lorsquelles étaient ainsidressées pour les galas, sanglées, vernies, frisées, gaufrées, tra-vaillées à létrille dexpertes habilleuses et la gorge comme bridéedune gourmette dapparat. Une des forces du Maître consistait— auprès delles — à ne jamais semballer, à ne jamais se tar-guer dune fugitive familiarité, de labandon dun instant, pouroutrer les faveurs permises et violer la portée dun caprice fémi-nin. Dans ses libertés même, il d
La Lecture . Il ne remuait pas les doigts, connaissant ses amies,averti par son flair affmé quil ne fallait oser jamais que cequelles osaient elles-mêmes, surtout lorsquelles étaient ainsidressées pour les galas, sanglées, vernies, frisées, gaufrées, tra-vaillées à létrille dexpertes habilleuses et la gorge comme bridéedune gourmette dapparat. Une des forces du Maître consistait— auprès delles — à ne jamais semballer, à ne jamais se tar-guer dune fugitive familiarité, de labandon dun instant, pouroutrer les faveurs permises et violer la portée dun caprice fémi-nin. Dans ses libertés même, il demeurait discret et le savait, plus quaucuu autre, r;q)able de saisir au vol etdapprécier les menues bagatelles dune galanterie nuancée. Il 280 LA LECTURE ILLUSTREE ne laissait rien perdre : les miettes étaient recueillies avec unsoin dévot. Entre elles toutes et lui, cétait là le En cette minute dailleurs, Cornalin sabsorbait dans leslueurs de lhô Lorsquil apertjut le fronton de la porte dhonneur, où sur lavacillation de becs de gaz, entre les corniches roulées en volutesà fleurons, senlevait le a-rand écusson avec son aigle noire éployéesur fond-dor, une bouffée dorgueilleuse volujjté lui gonfla les na-rines et faillit amollir son galbe marmoréen. Il allait donc franchirce portail vénéré, fouler ce seuil entrevu, convoité furtivement,gravir les marches dun trône ! Il allait coudo\er toutes les célé-brités, toutes les grandeurs des lettres, des arts, de la diplomatieet de la naissance ! Il frôlerait des manchettes de princes, desépaules de duchesses ! Il respirerait un air respiré par les rois ! Cette idée lui mettait dans le cœur une chaleur inconmie. Un LES CORNALINES 281 instant il craignit pour lempois de son plastron. Sa main trem-blotait presque, il en oubliait son sourire spirituel et son regardlointain. Larrêt brusque de la voiture, forcée de prendre la file, leremit dans son aplomb.
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