La nouvelle Héloise; ou, Lettres de deux amants, habitants d'une petite ville au pied des Alpes . r ne fe rien dire à leur aife. On veutêtre recueillis , pour ainfi dire , lun danslautre : les moindres diftradions font dé-folantes , la contrainte eft infup-portable. Si quelquefois le cœur porte unmot à la bouche , il eft fi doux de pouvoirle prononcer fans gêne. Il feroble quoQnofe penfer librement ce quon nofe di-re de même : il femble que la préfencedun feul étranger retienne le fentimcnt , &comprime des araes qui sentendroient fibien fans lur. Deux heures fe font aînn écoulées entr


La nouvelle Héloise; ou, Lettres de deux amants, habitants d'une petite ville au pied des Alpes . r ne fe rien dire à leur aife. On veutêtre recueillis , pour ainfi dire , lun danslautre : les moindres diftradions font dé-folantes , la contrainte eft infup-portable. Si quelquefois le cœur porte unmot à la bouche , il eft fi doux de pouvoirle prononcer fans gêne. Il feroble quoQnofe penfer librement ce quon nofe di-re de même : il femble que la préfencedun feul étranger retienne le fentimcnt , &comprime des araes qui sentendroient fibien fans lur. Deux heures fe font aînn écoulées entrenous dans cette immobilité dextafe , plusdouce mille fois que le froid repos desDieux d^Epicure. Après le déjeûner , lesenfants font entrés, comme àlordinaire, dansla chambre de leur ; mais au lieu dal-ler enfuite senfermer avec eux dans le gy-nécée , félon fa coutume , pour nous dédom-mager en quelque forte du temps perdu fansnous voir , elle les a fait refter avec elle ,Ôc nous ne nous fommes point quittés juf-quaudîaer. Henriete , qui commence à fa voir. L«i matàne>e a I^nglonle H E L 0 Y s E. 61 tenir raiguillc , travailloit afTife devant hFanchon, qui faifoit de la dentelle, & dontloreiller pofoit fur le doflfier de fa petitechaife. Les deux garçons feuilletoient fur: rune table un recueil dimages , dont lainecxpliquoit ks fujets au cadet. Quand il fctrompoit, Hcnriete attentive , & qui faitle recueil par cœur, avoit foin de le feignant dignorer à quelle eftam-pe ils étoient, elle en tiroit un prétextede fe lever, daller & venir de fa chaifeà la table , & de la table à fa chaife. Cqspromenades ne lui déplaifoient pas, & luiatciroient toujours quelque agacerie de lapart du petit Mali ; quelquefois même ilsy joignoit un baifcr, que fa bouche en-fantine fait mal appliquer encore, maisdont Henriete , déjà plus favante , luiépargne volontiers la façon. Pendant ctspetites leçons , qui fe prenoient &c fe don-no


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