Fables de Lessing . LIVPtE I. 57 FABLE XIII. LE PHEiNIX. jLjes siècles sécoulaient, et toute la natureGardait sur le phénix un silence profond j A peine se souyenait-on De son élégante tournure ; Il parut, enfin; grand fracas Parmi la volatile espèce ! On lentoure, chacun sempresse ; On vante ses traits délicats, Son air, sa forme enchanteresse, Et la foule des spectateurs Sépuise en éloges bientôt, quelques-uns, plus sensibles, plus sages,Et que nentraînaient point daussi bruyans suffrages,Dirent, avec tristesse, en détournant les yeux :Le malheureux phénix ! du caprice des die


Fables de Lessing . LIVPtE I. 57 FABLE XIII. LE PHEiNIX. jLjes siècles sécoulaient, et toute la natureGardait sur le phénix un silence profond j A peine se souyenait-on De son élégante tournure ; Il parut, enfin; grand fracas Parmi la volatile espèce ! On lentoure, chacun sempresse ; On vante ses traits délicats, Son air, sa forme enchanteresse, Et la foule des spectateurs Sépuise en éloges bientôt, quelques-uns, plus sensibles, plus sages,Et que nentraînaient point daussi bruyans suffrages,Dirent, avec tristesse, en détournant les yeux :Le malheureux phénix ! du caprice des dieux 5« FABLES DE LESSING, Il offre dans son être un objet déplorable ^Ne trouvant jamais son semblable,Et de lui seul toujours formé, Jouit-il du bonheur daimer et dêtre aimé ?. LIVRE I. % FABLE X ! LOIE. Xje plumage dune oie effaçait la blancheur De la neige éclatante ;Ce don de la nature enfla si fort son cœur,Quelle se crut un cygne; et voilà limprudente Qui, sans peine, quittant Ses sœurs les plus chéries, Et dès-lors oubliantCe quelle est, va nager majestueusement,. Malgré leurs railleries , Seule aux bords dun étang. Là, tantôt allongeantSon col qui la trahit, elle se croit plus sûreDe ressembler au cygne ; et tantôt sefforçantDe lui donner aussi cette noble courbureQui prête tant de grâce à loiseau dApollon^ 4o FABLES DE LESSING, Elle crie au succès, tandis que la natureNe voit dans ses efforts que ceux dun triste ridicule amer, fruit de cette aventure,Accompagna long-tems la sotte créature. Un orgueil insensé règle tout ici-bas ; iVouloir toujours passer pour ce quils ne sont pas, Voilà le tort des hommes;Lecteur, cygne ou dindon, restons ce que nous sommes.


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