Le Monde moderne . science pra-tique du métier. A jjrésent que jétais parvenu, quelavenir me souriait, je voyais avec an-fjoisse ma carrière brisée par ce coupde vent qui me précipitait du haut dunrocher. Joubliais le mal que je me feraisen tombant, la mort inévitable; je pen-sais seulement au travail acharné detant dannées, qui serait infructueux;je pensais à ceux que jaimais et quejallais quitter sans pouvoir leur direadieu; jen ressentais au cœur une poi-gnante douleur, quaugmentait encorele désespoir de mon pauvre chien. Tandis que je continuais à descendrelentement, un buisson passait pre


Le Monde moderne . science pra-tique du métier. A jjrésent que jétais parvenu, quelavenir me souriait, je voyais avec an-fjoisse ma carrière brisée par ce coupde vent qui me précipitait du haut dunrocher. Joubliais le mal que je me feraisen tombant, la mort inévitable; je pen-sais seulement au travail acharné detant dannées, qui serait infructueux;je pensais à ceux que jaimais et quejallais quitter sans pouvoir leur direadieu; jen ressentais au cœur une poi-gnante douleur, quaugmentait encorele désespoir de mon pauvre chien. Tandis que je continuais à descendrelentement, un buisson passait presqueà portée de ma main droite, mais troploin encore pour quil me fût possiblede latteindre; car, manquant de pointdappui pour me redresser et prendreun élan, toute tentative de ma partneût servi quà hâter ma chute; jenétais plus quà deux mètres du pré-cipice. Kn face de moi, sur lautre versantde létroite gorge, un berger arabe, quigardait quelques chèvres, chantait enme regardant Pourquoi cet homme, qui devait voirle danger mieux que moi, nen était-il[)as. ému? Pourquoi de deux êtrestémoins de ma triste fin, navais-jeque mon chien pour manifester de ladouleur? Etait-ce parce que cet .Arabe, fata-liste comme tous ceux de sa religion,envisageait ma destinée comme irrémé-diablement écrite à lavance au livre deDieu? — Mektoub Allah! — Était-ceparce quil voyait en moi un roumi, uninfidèle dont la mort serait agréable auprophète? Etait-ce parce que cet hommeétait un sage, qui ne voulait pas metroubler, parce que mon sang-froid pou-vait seul, occasionnellement, me faireentrevoir un moyen inespéré de salut ?Était-il ami ou ennemi? Je lignorais. Ilnavait lair ni satisfait, ni chagrin; jene pouvais démêler aucune de ses im-pressions sur le masque impassible deson visage. Cependant, tout en pensant — et jereconnus en cette circonstance la puis-sance que peuvent atteindre, en inten- i,ir.\ii T


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