Contes en vingt lignes . Sô. LA MARIEE PRANÇOISE était triste à mourir, ivre de chagrin comme^ si vingt litres de chaud muscat lui eussent sauté dansla tête. Elle montait le chemin pierreux, tout en tricotantson bas violet, agrémenté de points verts, et se deman-dait : « Pourquoi la mère est-elle si méchante ? Je laidetant que je peux, je travaille de toutes mes forces et jenai jamais fait de mal à personne. » Cétait vrai. Françoise était celle qui ignoraitla médisance, menait doucement les bêtes, se gardaitdinsulter le mulet et portait le cabri de longs bouts deroute quand il était fatigué. 8


Contes en vingt lignes . Sô. LA MARIEE PRANÇOISE était triste à mourir, ivre de chagrin comme^ si vingt litres de chaud muscat lui eussent sauté dansla tête. Elle montait le chemin pierreux, tout en tricotantson bas violet, agrémenté de points verts, et se deman-dait : « Pourquoi la mère est-elle si méchante ? Je laidetant que je peux, je travaille de toutes mes forces et jenai jamais fait de mal à personne. » Cétait vrai. Françoise était celle qui ignoraitla médisance, menait doucement les bêtes, se gardaitdinsulter le mulet et portait le cabri de longs bouts deroute quand il était fatigué. 87 Solide autant que douce, elle peinait comme ungarçon, mais la m^Tc était difficile à contenter, et lesbeaux yeux gris de Françoise pleuraient longuementchaque jour. Etpuîs, il y avait autre chose. Ce soir-là, en voyant les flammes rouges dau-tomne lécher les arbres et sarrondir en bouquetsardents, la fille était plus désespérée que de coutumeparce que, là-haut, on se marie après les vendange


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