La Lecture . lle la destinée a manqué de parole, plus dun esprit supérieur qui sest éteint et a disparusans avoir obtenu la part de renommée([ue tout semblait lui réserver; aucunedéception en ce uenre na été plusinattendue pour moi, plus douloureuse([uc la fin obscure de Mordret. Et([iiand je dis pour moi, je devrais direéi^aleuient pour tous ceux, de plus en])lus rares maintenant, qui lont appré-cié et qui conservent son souvenir. Ce nest pas quil eût dans son exté-rieur cet aplomb qui commande laconfiance ou cette verve qui éveillelenthousiasme. Il avait au contrairelattitude modeste, la par


La Lecture . lle la destinée a manqué de parole, plus dun esprit supérieur qui sest éteint et a disparusans avoir obtenu la part de renommée([ue tout semblait lui réserver; aucunedéception en ce uenre na été plusinattendue pour moi, plus douloureuse([uc la fin obscure de Mordret. Et([iiand je dis pour moi, je devrais direéi^aleuient pour tous ceux, de plus en])lus rares maintenant, qui lont appré-cié et qui conservent son souvenir. Ce nest pas quil eût dans son exté-rieur cet aplomb qui commande laconfiance ou cette verve qui éveillelenthousiasme. Il avait au contrairelattitude modeste, la parole timide et souvent embarrassée,une gaucherie virgilienne, que corrigeait le charme de sesgrands yeux bleus, très limpides et très doux. On ne sauraitdire non plus quil fût un élève hors ligne, bien quil obtînt par-fois les premières places et (|uil eût des prix aux distril)utionssolcrmelles. Enfui ce nétait pas son talent de poète, tout déve- (1) Voir lo miinéro du U) mars MÉMOIRES DUN CRITIQUE 569 loppé quil fût vers cette époque, qui lui créait parmi nous unesorte (lautorité, car de ce talent et de ses productions très peurecevaient la confidence. Non, sa supériorité lui venait de sa trèscalme et très loyale nature, de la pureté quon sentait dans saconscience, de la clarté que son esprit dégageait, dun je ne saisquoi de paternel, qui, lorsque jy ai réfléchi plus tard, me faisaitpenser à Vauvenargues. Jen parle avec dautant plus de liberté que, si nous vivionsdans de bons termes, nous nétions ni intimes, ni même amis. Jele trouvais trop sage, trop froid, trop réservé. Il me jugeait unetête folle, passablement exaltée, et il navait pas tort. Nos préfé-rences personnelles étaient dailleurs. Mordret mavait lu cepen-dant la plupart de ses poésies, et je lengageais vivement à lespublier, persuadé que la faveur publique ne lui ferait pas défaut. Elle était née en lui tout naturellement, cette poésie, dans sonham


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