Maria Chapdelaine : récit du Canada français . citte et culti-ver, et moi je suis toujours à me dire quil nedoit rien y avoir de plus plaisant que dêtretranquillement assis dans un office toute lajournée, la plume à loreille, à labri du froidet du gros soleil. —Chacun a son idée, décréta Lorenzo Sur-prenant, impartial. —Et ton idée à toi, ça nétait point de resterà Ronfleur à suer sur les chousses, fit Ra-cicot avec un gros rire. —Cest vrai, et je ne men cache pas : çane maurait pas adonné. Ces hommes icitte ontacheté ma terre. Cest une bonne terre, per-sonne ne peut rien dire à lencontre ; il


Maria Chapdelaine : récit du Canada français . citte et culti-ver, et moi je suis toujours à me dire quil nedoit rien y avoir de plus plaisant que dêtretranquillement assis dans un office toute lajournée, la plume à loreille, à labri du froidet du gros soleil. —Chacun a son idée, décréta Lorenzo Sur-prenant, impartial. —Et ton idée à toi, ça nétait point de resterà Ronfleur à suer sur les chousses, fit Ra-cicot avec un gros rire. —Cest vrai, et je ne men cache pas : çane maurait pas adonné. Ces hommes icitte ontacheté ma terre. Cest une bonne terre, per-sonne ne peut rien dire à lencontre ; ils avaientdessein den acheter une et je leur ai vendu lamienne. Mais pour moi, je me trouve bien oùje suis et je naurais pas voulu revenir. La mère Chapdelaine secoua la tête. —H ny a pas de plus belle vie que la viedun habitant qui a de la santé et point de MAËIA ÛHAÏDE LAINE 163 dettes, dit-elle. On est libre; on na point deboss; on a ses animaux; quand on travaille,cest du profit pour Ah ! cest beau !. Le prêtre, le curé de sa paroisse, clairement envoyé par Dieupour lui expliquer la vie et lui montrer le chemin (page 151). —Je les entends tous dire ça, répliqua Lo-renzo. On est libre ; on est son maître. Et vousavez lair de prendre en pitié ceux qui tra- 164 MARIA CHAPDELAINE vaillent dans les manufactures, parce quils ontun boss à qui il faut obéir. sur allons donc ! Il sanimait à mesure et parlait dun air dedéfi. —Il ny a pas dhomme dans le monde quisoit moins libre quun Quand vousparlez dhommes qui ont bien réussi, qui sontbien gréés de tout ce quil faut sur une terreet qui ont eu plus de chance que les autres,vous dites: Ah! ils font une belle vie; ilssont à laise; ils ont de beaux animaux. Ça nest pas ça quil faudrait dire. La vé-rité, cest que ce sont leurs animaux qui les ny a pas de boss dans le monde qui soitaussi stupide quun animal favori. Quasimenttous les jour


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